J'en avais réellement marre de partir à la chasse uniquement quand Môsieur Thomas voulait bien me laisser l'accompagner. Il m'avait tout appris, certes, je lui en étais reconnaissant pour ça et pour m'avoir sorti du sanatorium de Seattle où j'ai croupi pendant presque un an après le meurtre de mes grand-parents, mais il n'en était pas moins que ma soif de vengeance ne s'assouvissait pas comme je l'aurais espéré dans cette famille. Moi qui croyait que j'allais pouvoir laisser tomber les cours pour courir après les sorciers, avoir une sorte de biper qui m'indiquerait la présence de magiciens à traquer, me dispensant ainsi auprès de mes professeurs. Non. Rien de tout cela. J'étais cloué au lycée à rêver d'enfin attraper ma Némésis, de voir son âme s'envoler alors que mon couteau lui transperçait la gorge. Peut-être que je n'étais pas stable mentalement, mais au moins, grâce à cette instabilité, je gagnais du courage, trop, sûrement, le courage que je n'avais pas au lycée me revenait lors de mes traques. L'adrénaline m'emportait, je n'avais plus peur de rien, je me sentais invincible, rien ne pouvait m'atteindre, je n'étais plus Mackendree Thomas, je n'étais plus fait de corps et d'esprit, j'étais une machine à tuer, j'étais simplement l'enveloppe charnelle qui aurait pu traverser un feu si son but se trouvait de l'autre côté, se tuer s'il pouvait poursuivre l'assassin de sa famille, en enfer sûrement car cet homme devait avoir perdu sa place au paradis même bien avant sa naissance. J'adorais ce sentiment d'invincibilité quand je courrais à m'en rompre les poumons, une arme à la main, derrière un total inconnu que la mort attendait sagement. D'accord, je n'avais pas vraiment eu beaucoup d'occasions de chasser. A vrai dire, très peu et une fois j'avais failli mourir. Je n'étais pas pour autant -comme les autres chasseurs s'amusent à le croire- un pauvre humain perdu, sans aucune expérience qui crèverait bien rapidement face à un sorcier un minimum coriace. Ils me prenaient pour une princesse en détresse, j'étais en réalité le dragon et j'allais bien leur montrer un jour où l'autre.

Ce jour arriva. J'avais croisé quelques chasseurs depuis mon arrivée à Newton et aucun d'entre eux n'avaient accepté que je les accompagne. Récemment, j'avais réfléchi à une alternative, à laquelle ils ne pourraient pas dire non. Mon plan était bien simple, je suivais de près un de ces chasseurs -en réalité je restais caché non loin de leur demeure en attendant qu'ils daignent sortir et je jouais le détective en reproduisant leur pas- jusqu'à sa proie et là, sans qu'il ne puisse m'interdire de l'aider, j'attaquais le sorcier furtivement. C'était plutôt pas mal, je devais me l'accorder. Cependant, il fallait encore le mettre en action. J'avais donc séché les cours pour guetter Hell Clarke. Posté devant chez lui, je le vis sortir, un sac de sport à la main qui devait contenir bien plus que des baskets ou une tenue adéquate. Ce devait être mon jour de chance. Euphorique, j'avais payé un taxi pour qu'il suive la voiture du jeune homme. Je ne savais pas vraiment comment Monsieur Clarke trouvait ses sorciers et je m'en fichais royalement tant que je pouvais m'amuser moi aussi. Il était donc dans une sombre impasse dans West Newton, une de celles qui faisaient carrément flipper, qui sentaient la mort bien avant qu'un drame ne se produise, une de celles d'où des épaisses fumées sortent des égouts, une de celles où la moisissure couvre les murs qui la délimite et les déchets traînent ici et là, abritant ainsi les rats et autres vermines. Hell se confrontait à une femme, pas très belle et morte de peur. J'avais presque envie de l'abattre d'une flèche entre les deux yeux. J'étais arrivé quelques minutes après Hell et je fis mon entrée en décochant un de mes bouts de bois pointus à côté de la tête de l'abomination, frôlant par la même occasion l'oreille de l'homme qui se tenait dos à moi. ‘Oops. Failed it, Try again.’ dis-je sur une fausse déception. Je replaçais mon arc comme je devais viser, comme mon grand-père me l'avait appris.